Le samedi 10 juin 2023 à Dunkerque, une des dernières sessions du congrès de l’ABF a été consacrée aux fonds flottants
avec Jean-Rémi François, directeur de la bibliothèque départementale des Ardennes et secrétaire-adjoint de l’ABF et Laurence Brismalein, responsable de la B!B à Dunkerque et secrétaire-adjointe du groupe Hauts-de-France de l’ABF.
Définition
Un fonds flottant est un ensemble de documents rattaché à un ensemble de bibliothèques (à un réseau) et qui par principe n’est pas a priori localisé dans l’une d’elle.
Chacun des documents est localisé là où le dernier usager l’a consulté, emprunté, rendu.
Un fonds flottant peut être total (tous les documents de toutes les bibliothèques concernées) ou partiel (tout ou partie des documents de tout ou partie des bibliothèques concernées).
Selon Julie Michaud, directrice des bibliothèques d’un arrondissement de Québec -(2016) : La demande de l’usager contribue à la couleur de l’offre documentaire d’un site.
Par plaisanterie, une vidéo nous a prouvé que des livres pouvaient flotter dans la mer du Nord qui baigne Dunkerque.
Les fonds flottants à Dunkerque et dans le réseau communautaire Les Balises
La commune de Dunkerque compte 5 bibliothèques. Elles participent au réseau des Balises qui à l’échelle de la communauté urbaine de Dunkerque regroupe 23 bibliothèques pour 13 communes, l’ensemble proposant 560 000 documents dont 180 000 pour la seule ville de Dunkerque..
La décision d’expérimenter le flottage des collections à Dunkerque a été prise en 2015. C’est maintenant une pratique bien installée.
Tout document est nativement réseau. Le tampon n’est surchargé d’un code indiquant la première bibliothèque d’affectation que pour des raisons pratiques de premier acheminement, sachant que certains titres sont achetés en plusieurs exemplaires. Tout usager peut rendre un document ailleurs que là où il l’a emprunté et réserver un document dans une bibliothèque alors qu’il est localisé dans une autre. Sur 334 000 transactions par an, on compte 32 000 réservations soit presque 10%.
Le principe de flottaison dispense de navette de retour. Grâce à un paramétrage, le SIGB relocalise chaque document là où il est rendu.
Même si les chargés de collection des sites ont demandé l’acquisition de documents, ils n’y sont pas attachés même si ce sont des nouveautés, au premier emprunt ils peuvent repartir ailleurs dans le réseau. Les nouveautés circulent beaucoup entre les sites et c’est le fonds jeunesse qui voyage le plus.Seuls les périodiques s’ils ne sont pas empruntés, en général d’ici une semaine à un mois, sont renvoyés à leur port d’attache car les abonnements diffèrent pour chaque site.
Et les séries ? Un numéro isolé peut amener l’usager à faire la réservation des autres numéros de la série, donc nous le laissons sur place que ce soit de la fiction ou de la BD. En revanche, en cas de désherbage pour conservation, nous rapatrions tous les numéros à la centrale où se trouve la réserve courante pour le réseau dunkerquois.
Les documents circulent également sur l’ensemble du réseau Balises bien que chaque bibliothèque soit municipale et qu’il n’y ait pas de budget commun. Dans ce cadre, la notion de bibliothèque propriétaire subsiste. Le même principe de relocalisation là où chaque document est rendu est observé. Il repart à la première réservation. Il y a dans le réseau de très petites bibliothèques qui bénéficient ainsi d’un apport documentaire utile à leur public.
Le transport des documents pris en charge par la communauté urbaine est externalisé: il est confié à La Poste avec deux tournées par semaine. Quant aux cotes elles sont identiques sur tout le réseau dunkerquois.
Après 7 ans de fonctionnement on peut faire la liste des avantages :
- importante économie de temps ;
- économie budgétaire puisque les transports par navette sont divisés par deux ;
- ce fonctionnement rapproche les collections des publics ;
- les documents sont disponibles plus rapidement puisqu’on évite le statut « en transit » ; moins de manipulation par les agents ce qui réduit les phénomènes de troubles musculo-squelettiques.
Le seul inconvénient qui est apparu concerne les documents perdus ou détériorés quand l’usager n’est pas inscrit dans la bibliothèque où il a emprunté. .
Quant aux usagers, ils ne trouvent que des avantages à ce système.
Quelques expériences dans les Ardennes
Dans la communauté de communes Meuse et Semoy la flottaison des collections a été décidée en 2016, au départ pour alléger la gestion des caisses et amoindrir la souffrance physique.
La bibliothèque départementale fait flotter ses documents qui circulent entre les bibliothèques publiques même si celles-ci ne font pas flotter les leurs : tout document le la bibliothèque départementale prêté à une bibliothèque peut la quitter s’il est réservé par une autre..
Un projet de mutualisation des collections entre la communauté d’agglomération Ardenne-Métropole et le département a été bloqué par des incompatibilités informatiques. Un développement informatique est en cours.
Exemples évoqués dans la salle
A Courbevoie (Hauts-de-Seine) les livres audio pour adultes, les romans policiers et les BD flottent entre les 4 bibliothèques. Il y a aussi un fond tournant appelé « capsule » qu’il faut distinguer des fonds flottants. Il y a eu une présentation sur les fonds flottants à l’association départementale Bib92 où outre l’expérience de Courbevoie celles de Meudon et Rueil-Malmaison ont été présentées
A Plaine commune (Seine-Saint-Denis) un essai sur les CD a été peu concluant, les cotations étant différentes. Depuis 2020 ce sont les DVD qui flottent après mise en place d’une cotation commune. Ce sont non pas tant les nouveautés que les titres de fonds qui circulent le plus (2/3 des mouvements) ce qui accroît leur visibilité. Une réflexion est en cours sur les romans pour adultes.
La commission Bibliothèques en réseau de l’ABF propose sur son blog une fiche sur les fonds flottants mis en ligne en 2019 et complétée par un recueil d’exemples et un formulaire pour y contribuer.
La fiche mentionnait 8 exemples en France. Cette table ronde sera l’occasion de compléter cette liste et de relancer l’appel à con.tribution.
Conclusion
Les usagers voyagent, dommage que les documents ne voyagent pas aussi.
Cela demande de changer nos habitudes, de ne plus dire « ils n’ont qu’à venir ».
Cela suppose évidemment que nous mettions en place carte commune et tarif commun, mais aussi de ne plus avoir des réflexes de possessions et de maîtrise, de penser flux et non stock.
Nous sommes de simples garants d’un bien commun qui appartient aux habitants
Les fonds flottants, c’est économique, c’est écologique et ça plaît au public !